On allait voir ce qu’on allait voir. Paul Larrouturou, journaliste de Quotidien, était prêt à scalper Laurent Wauquiez. Avec sa bite et son couteau, s’il le fallait. Et puis on a vu. Veni, vidi, mais pas vici. Le jeune homme s’est vautré. Ses enregistrements, si scintillants à ses yeux, lui attirent les pires ennuis. D’abord, il y a les poursuites judiciaires du Président des Républicains, qui a décidé de porter plainte et de saisir le CSA. Tombe ensuite un mot : « voyou ». Lancé par le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour désigner les méthodes de Paul Larrouturou, cette appellation est partie pour coller à la peau du journaliste. Enfin, il y a les ennuis de la morale qui refont surface : ces enregistrements, obtenus à la dérobée, relancent le débat sur les limites de l’information et invitent à mener une réflexion lucide sur le corps journalistique : ses pratiques, son éthique, sa déontologie. ENQUÊTE.
Paul Larrouturou vit des jours compliqués. Il a perdu le sourire. Pour la première fois de sa carrière, le voilà confronté à un politique qui n’a pas l’intention de se laisser faire. Passablement déboussolé par le retour en force de cette combativité politique, le jeune homme est extrêmement mal à l’aise. Tremblant, agité, regardant ses pieds, tentant des sourires complices pour se ressaisir. Mais l’heure n’est pas aux grands jours. Pis encore : ses enregistrements ont déclenché un regain de popularité chez Laurent Wauquiez ! Damnation !
En cherchant à jouer au plus fin avec Laurent Wauquiez, Paul Larrouturou s’est pris les pieds dans le tapis. Par manque d’habileté et de perspective, l’apprenti sorcier de Yann Barthes a agi en primitif, sans penser sur la durée. Aveuglé par le chiffon rouge de la polémique, le journaliste n’a pas vu la poutre qui se cachait derrière ! Elle lui crève désormais les yeux : le Président des Républicains sort grandement renforcé de la polémique, selon un sondage publié par BFM TV le mercredi 21 février. L’erreur de débutant du chroniqueur fait le bonheur de l’intéressé. Laurent Wauquiez peut savourer. C’est l’éternelle histoire de l’arroseur arrosé. Le journaliste s’est mis dans une situation délicate, qui a non seulement compromis son intégrité journalistique, mais aussi la crédibilité de l’émission. Le viol des règles de base, le manque de respect à la déontologie, la transgression des valeurs éthiques et morales pose de sérieux problèmes. Il s’imaginait avoir les mains assez pures pour manier l’info. Le voilà avec les mains sales. Paul Larrouturou s’est lui-même mis à la porte de sa carrière.
QUOTIDIEN, EN PASSE D’ÊTRE CONDAMNÉ ?
Au vu des conséquences provoquées, et de l’atteinte portée au président des Républicains, ces enregistrements sont, en tout cas, constitutifs d’une plainte admissible et recevable. Il ne fait pas l’ombre d’un doute sur l’ouverture d’une instruction. Contrairement à ce que certains médias se sont empressés d’écrire, nous ne pouvons pas balayer d’un revers de main la probabilité d’une condamnation de Quotidien. Toutes les affaires relatives à des enregistrements effectués à l’insu d’un individu, considérés comme une atteinte à la vie privée, sont sanctionnés les articles 226-1 et 226-2 du code pénal.
Article 226-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
« 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » ;
« 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
« Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
Article 226-2 : Le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1.
« Lorsque le délit prévu par l’alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ».
Dans l’affaire Laurent Wauquiez, l’enregistrement litigieux a manifestement été obtenu à l’aide de l’un des procédés prévus par l’article 226-1, avant d’être diffusé dans l’émission. Il faut également rappeler que le cours prononcé dans une école, l’était à titre privé, comme n’importe quel autre cours affecté à l’EM Lyon. Au passage, faut-il rappeler que cette école de commerce est elle-même un établissement privé ? La plainte n’est donc pas un écran de fumée. D’autant qu’un contexte d’animosité, qui existait déjà entre le journaliste et le chef des Républicains, vient en renforcer le crédit :
Wauquiez prétend avoir rencontré une dizaine de fois Soeur Emmanuelle. @PaulLarrouturou a voulu vérifier en lui posant directement la question.
👉 Il attend toujours la photo de cette supposée entrevue en Égypte.La suite de l’échange ➡ https://t.co/3URIKl2ct1#Quotidien pic.twitter.com/i2QuKIw39I
— Quotidien (@Qofficiel) 6 février 2018
Cette séquence montre que l’échange entre Paul Larrouturou et Laurent Wauquiez est constitué d’invectives et que le journaliste a, selon cette séquence, été le premier à initier publiquement, ce type d’échanges agressifs, par des provocations faites au politique.
Cette séquence vide de sa force la défense de Paul Larrouturou. L’excuse de provocation et de la vengeance pourrait même être invoquée par Laurent Wauquiez ! (On peut tout a fait émettre l’hypothèse que Larrouturou n’a pas du tout apprécié de se faire traiter de « tellement écœurant », et qu’il a souhaité se venger…). Quoiqu’il en soit, la jurisprudence devra dire si l’enregistrement effectué par l’étudiant (à la demande du journaliste ?), à l’insu de son interlocuteur mérite oui ou non sanction. Dire si Paul Larrouturou a oui ou non commis une infraction aux codes de déontologie de sa profession. Dire si oui ou non cette pratique d’enregistrement est une entrave à la vie privée. Tout ce que l’on peut dire pour l’instant, c’est que l’exploitation d’un enregistrement réalisé clandestinement par un particulier (sous l’influence de Larrouturou ?) est franchement nauséabonde et contraire aux principes de la loyauté.
Sans épouser l’idée du complot, une constatation s’impose concernant les méthodes de Quotidien. Les pratiques de ces derniers jours témoignent d’un profond problème dans les équipes. Elles donnent une image effrayante d’une rédaction irresponsable et violente, qui s’autorise tout dans la plus grande opacité. Elles nourrissent les inquiétudes de l’opinion publique, qui se méfie d’un journalisme « parti pris », prêt à tout pour faire tomber l’adversaire. La bassesse de ces pratiques a entaché la grandeur des principes de Quotidien. Cette affaire d’enregistrements a amorcé un décrochage, une dégradation de l’émission. La tonalité principale a changé. Même pour ceux qui aiment ce magazine d’infotainment, il est difficile de défendre l’espionnage sans avoir l’air d’un salaud qui tolère une situation inacceptable. Aucun d’eux n’aimerait être enregistré sans le savoir !
Il est peut-être temps d’injecter plus de sérieux et beaucoup moins de sournoiserie. C’est peut-être là, la condition nécessaire pour réenclencher Quotidien !