Il nous promettait un scandale d’état. Un secret inavouable, divulgué au grand jour. Nous avons eu droit à un secret de polichinelle. Vendredi 16 février, Paul Larrouturou, journaliste de Quotidien, a révélé des propos volés, tenus par Laurent Wauquiez, lors d’un cours donné à l’EM Lyon Business School. S’imaginant en possession de l’arme nucléaire, le serviteur corvéable de Yann Barthes découpe et feuilletonne la diffusion des enregistrements, comme une série à plusieurs ressorts. Pour le journaliste, ces éléments participent aux occasions rituelles de casser la droite. Il faut donc en profiter au maximum. Après une première partie vendredi soir, une nouvelle salve d’enregistrements était donc à l’honneur ce lundi. Le journaliste était impatient de nous présenter ces beaux moments d’indiscrétion. Sont-ils aussi problématiques qu’il le prétend ? Vous allez voir que cette polémique porte davantage atteinte à Quotidien qu’au Président des Républicains. ANALYSE.
Vendredi 16 février. Paul Larrouturou détient un scoop. Il annonce, tout sourire : « Nous nous sommes procurés un enregistrement du cours de Laurent Wauquiez ». Comment ? Par qui ? Vous ne le saurez jamais ! Le grand démocrate, qui affiche habituellement de généreux principes de transparence en public, adopte sans problèmes les mœurs opaques de la mafia lorsqu’il s’agit de ruiner le crédit d’un adversaire politique (Laurent Wauquiez qui plus est !). N’oublions pas que, lors d’un échange datant de quelques semaines à peine, le Président des Républicains a eu l’affront de lui dire en pleine face : « vous êtes tellement écœurant !».
Touché dans son égo, le journaliste susceptible et revanchard a mis un point d’honneur à pourrir Wauquiez. Pas au nom de l’information, mais au nom de son propre intérêt. Agissant comme un voyou, Larrouturou range sa déontologie de surface au placard pour mieux se mettre dans la peau d’un membre des services de renseignements. Une taupe suffira pour mettre Wauquiez dans l’embarras. Jouissance intense pour la bien-pensance qui, au passage, rompt avec ses principes de déontologie. Le journaliste échange son angélisme avec le machiavélisme. Compte rendu de l’enregistrement ? On y apprend que Laurent Wauquiez méprise Emmanuel Macron, qu’il prédit la chute de Gérald Darmanin, qu’Angela Merkel n’a pas de charisme et que Nicolas Sarkozy aurait mis tous ses ministres sur écoute. Vous avez dit « rien de fou » ? Pourtant, ces premiers extraits de l’enregistrement nous ont été vendus comme LE scoop de l’année, prêts à secouer tous les oliviers ! De quoi déclencher l’hystérie des matinales infos ! Alors tremble Laurent, car Paul Larrouturou, immense Prophète de l’info, te déclare la guerre !
« JUPPÉ DÉPENSIER », « NOMBRE DE CONNERIES » DE PÉCRESSE… : RIEN N’EST PLUS VRAI !
Dans cette deuxième diffusion, on entend Laurent Wauquiez tenir des propos cash sur le système politique français : « Vous croyez qu’un parlementaire a le moindre pouvoir aujourd’hui ? Vous avez vu les guignols d’En marche là ? Ils sont tous le doigt sur la couture, ils doivent tous voter la même chose. Quand ils osent apporter la moindre dissonance, ils se font taper dessus avec une matraque. Donc il n’y a aucun équilibre des pouvoirs en France ». Il a également parlé brièvement de Valérie Pécresse, dont il souligne « le nombre de conneries qu’elle peut faire », et d’Alain Juppé, qui, selon lui, « a totalement cramé la caisse à Bordeaux ». Justin Trudeau, Président du Canada, a également eu sa part : « Donc lui en gros c’est simple, tout ce qui est mainstream, tout ce qui est bonne pensée, je prends tout ! […] Je suis le mec cool, gentil, complètement dans le mainstream du média ». Rien n’est plus vrai ! Sur la forme, le Président des Républicains a extrapolé en toute décontraction, mais sur le fond, il a raison : Oui Angela Merkel a le charisme d’une moule. Oui Gérald Darmanin est dans la mouise. Oui Valérie Pécresse n’a fait que des conneries. Oui Alain Juppé a cramé la caisse à Bordeaux. Et Oui Justin Trudeau est mainstream. Ces propos enregistrés n’auront choqué que les grenouilles de bénitier de Quotidien et les profanes qui ignorent ou préfèrent ignorer la posture brutale habituelle de Laurent Wauquiez. Pour les autres, ces enregistrements auront été la confirmation de leur intuition : un vent nouveau souffle sur la droite républicaine. Nous sommes face à un parti qui ne fait plus couler d’eau tiède. Un message reçu 5/5 par les électeurs. Cette affaire d’espionnage, qui écorne son prestige, ne porte nullement atteinte à la confiance qui lui est portée. Wauquiez est solide : c’est un personnage politique bien entraîné, capable de résister aux pires sévices. Il s’en remettra sans problème.
Sans révélations fondamentales, Paul Larrouturou semble avoir épuisé son stock de poudre à pétards. Ce soir, il a donné tout son jus, comme un citron pressé. Le soufflet médiatique est sur le point de retomber. Malgré tout, l’apôtre du conformisme est intimement convaincu d’avoir fait du bon travail de journaliste. Son enregistrement lui a donné l’occasion de s’élever auprès des siens. Félicité par Yann Barthes et ses équipes, le voilà en proie à une belle promotion sociale dans le petit monde de Bobo-Land. Pourtant, à y regarder de plus près, Paul Larrouturou est au niveau zéro. Loin de jeter de la lumière sur la face cachée d’un politique, il a surtout révélé une autre vérité, beaucoup plus préoccupante : celle du pouvoir sans limite du journalisme. Cet enregistrement laisse songeur quant à la capacité d’intrusion des journalistes dans la vie de tout un chacun. L’utilisation d’un téléphone activé en enregistreur à l’insu de celui qui s’exprime pose question sur la méthode et la déontologie. Car il s’agit d’espionnage, ni plus ni moins. C’est là un trait beaucoup moins éclatant qui, peu à peu, s’est raccordé à cette profession, et personne ne semble se manifester pour souligner la gravité de cette violation de normes. La méthode de Larrouturou est le symptôme d’une montée en violences du journalisme dans un temps où s’accumulent les tensions en politique. Une telle atmosphère contribue à mettre en relief non pas l’audace du journaliste, mais l’incroyable étendue du pouvoir acquis par toute une profession qui ne prend plus de gants pour s’attaquer à des cibles choisies. Paul Larrouturou, qui prétend avoir une éthique, a agi sans respect ni professionnalisme. Prêt à tous les coups bas, il a utilisé tous les moyens, y compris ceux que la morale réprouve. Presque avec un gros doigt d’honneur à l’appui. Cette réalité, d’une portée bien supérieure au petit coup médiatique de Quotidien, saute aux yeux de l’opinion publique et promet d’accentuer un bombardement aux conséquences redoutées : la fracture grandissante qui sépare le journalisme des gens ordinaires.
Prochaine étape de ce journaliste-voyou : pourquoi pas une violation du secret d’une instruction ?