L’affaire Benalla est-elle vraiment une affaire d’État ? Une chose est sûre, elle provoque un double choc au sein de l’opinion. D’abord, il y a l’incroyable légèreté de la sanction : 15 jours de mise à pied, qui n’ont toutefois pas empêché Alexandre Benalla de percevoir l’intégralité de son salaire et de se rendre au Palais Bourbon. Cette sanction en trompe-l’œil a minimisé la gravité des faits, comme si usurper la fonction d’un CRS et frapper des manifestants ne devait plus tomber sous le coup d’aucune peine.
Vient ensuite l’accumulation excessive de richesses et de privilèges : grade de lieutenant-colonel, appartement au Quai Branly obtenu le 9 juillet (et dont personne ne sait si l’Etat lui demandera de le quitter), voiture de service (avec chauffeur) équipée d’accessoires lumineux habituellement réservés à la police, permis de port d’arme, badge d’accès au Palais-Bourbon, habilitation secret-défense, passeport diplomatique obtenu après sa mise à pied… Une impressionnante gamme d’avantages exorbitants se déroule luxueusement sous les pieds d’un plouc de 26 ans, dont chacun se demande désormais ce qu’il a bien pu réaliser ou accomplir pour les obtenir. Cet ensemble de cadeaux, disproportionnés au regard de la fonction d’Alexandre Benalla, révèle toute l’imposture de notre Président qui semble avoir perdu le sens de sa mission : au lieu de servir l’Etat, il se comporte comme un distributeur de faveurs et de passe-droits. Marchant à l’affect, Macron couvre de cadeaux quiconque gravite autour de son narcissisme. Combien d’autres Alexandre Benalla ont pu profiter des faveurs de Jupiter ? Nul ne le sait. Jusqu’où ira cette affaire ? Peut-être plus loin qu’on ne le pense. Qualifiée de « tempête dans un verre d’eau » par le chef de l’État, et d’ « affaire d’été » par Alexandre Benalla, aucun d’eux ne semble mesurer toute l’indécence que cette actualité constitue aux yeux des citoyens ordinaires qui, eux, doivent chaque jour respecter la mesure commune, sans quoi la loi ne manquera pas de les sanctionner autrement que par une confortable mise à pied. L’impunité évidente à l’égard de Benalla – qui déclare lui-même sur TF1 « ne pas avoir commis d’actes répréhensibles par la loi » – produit un sentiment de dégoût et d’injustice auprès de l’opinion publique. Tombée des nues, elle se sent cocue. À mesure que l’affaire avance, nous assistons à l’effondrement d’une croyance : le nouveau monde, terre sainte promise par notre Président, n’a jamais existé. Macron devrait se méfier de cette désillusion qui saisit l’opinion. Elle risquerait bien de se solder par une malédiction bien connue de ses prédécesseurs : celle d’un quinquennat, et puis s’en va.